Refus d’obtempérer et loyauté de la preuve
Est-ce que l’identification formelle d’un prévenu par les forces de l’ordre suffit à le condamner pour un refus d’obtempérer ?
Août 2022, un véhicule d’entreprise entreprend un dépassement de véhicule à une vitesse excessive.
Un véhicule de police arrive sur la voix d’en face et souhaite le contrôler. Le véhicule de police allume ses avertisseurs sonores et lumineux puis fait demi-tour afin d’arrêter le conducteur.
Les forces de l’ordre ne parviennent pas à rattraper le véhicule mais l’identifient par le nom de l’entreprise inscrit sur le côté du véhicule. Elles décrivent également le conducteur : 40 ans, chauve, corpulence moyenne.
S’en suivent des recherches sur le gérant de l’entreprise, dont les forces de l’ordre retrouvent le nom, puis vérifient les antécédents sur fichier de Traitement des Antécédents Judiciaires (TAJ). Ce fichier contient les photos de personnes défavorablement connues par les services de police.
Les agents sont formels : le gérant de l’entreprise était le conducteur du véhicule.
Quelques mois plus tard, les policiers contactent le gérant de l’entreprise afin de l’auditionner.
Lors de l’audition, ce dernier nie avoir conduit le jour des faits et précise ne pas être en mesure d’identifier qui conduisait ce jour-là.
Les forces de l’ordre décident alors de procéder à une identification du conducteur en créant deux planches photographiques contenant chacune une photo du gérant de l’entreprise.
Ils montrent ensuite ces planches aux policiers présents le jour des faits. Ces derniers identifieront formellement notre client.
Deux problématiques ressortent alors du dossier :
- Premier problème : Les photographies choisies représentent des personnes qui ne correspondent pas à la description du conducteur, un seul est chauve… notre client.
- Second problème : Les forces de l’ordre avaient d’ores et déjà vu la photographie en question, le jour même des faits, sur le fichier TAJ.
Aucun autre élément ne vient étayer l’identification formelle du jour des faits par les forces de l’ordre et ces derniers ne trouvent aucun autre suspect potentiel. Ils auraient pu géolocaliser le téléphone portable du gérant de la Société. Cela n’aura pas lieu.
Le premier objectif du dossier est alors de démontrer au juge que la preuve apportée par planche photographique n’a aucune valeur probante.
Objectif réussi : Le Tribunal annule les procès-verbaux faisant état des planches photographiques et les écarte des débats.
Reste à savoir si suffisamment d’éléments permettent d’inculper le gérant de l’entreprise.
Le dossier contenait uniquement cette identification formelle du prévenu. Néanmoins, le prévenu présentait également un casier judiciaire avec plusieurs condamnations pour des délits routiers, dont un refus d’obtempérer.
La question posée au Tribunal est simple : Est-ce que la procédure apporte la preuve irréfutable que le gérant de l’entreprise était le conducteur du véhicule le jour des faits ?
Le Tribunal suivra notre raisonnement, et considèrera que l’absence d’élément objectif venant corroborer les soupçons des forces de l’ordre sur l’identité du conducteur ne permettait pas d’entrer en voie de condamnation.
Notre Client sera relaxé sur le siège.